Lundi matin, N. SARKOZY s’est rendu à Maillé, pour y commémorer le massacre froid, systématique, de 124 habitants par les troupes allemandes le 25 août 1944. Alors que Paris célébrait sa libération, Maillé sombrait dans l’horreur. Puis le silence. Chaque Français a entendu parler d’Oradour sur Glane, Maillé et ses morts ont sombré dans l’oubli national. Les survivants, les associations qui se sont constituées, les élus ont fait en sorte qu’il n’engloutisse pas tout, et une Maison du souvenir a vu le jour. La visite du Président de la République, qui a voulu réparer la « faute morale » de l’oubli, était bienvenue.
D’où vient, alors, le sentiment d’inachevé qui m’habite ? Au-delà du symbole, les mots comptent. Et le discours présidentiel, écrit par Henri Guaino, l’homme du discours de Dakar, m’a déçue. D’abord, parce qu’il semblait ignorer le travail local de mémoire et de souvenir. Ensuite, parce qu’il a livré une interprétation du massacre que je ne partage pas : les meurtriers n’étaient même plus des hommes, le mal est banal et risque d’atteindre chacun. Cette thèse, de la banalité du mal, est soutenue par de grands esprits, que l’on ne peut soupçonner de compréhension à l’égard des nazis. Mais pourquoi alors certains se laissent-ils happer par la violence, alors que d’autres résistent ? Je ne crois pas que la « nature humaine » suffise à tout expliquer, surtout pas les fascismes.
Enfin, et c’est le plus grave, cette remarque, étonnante, du Président : ceux qui ont été massacrés « n’étaient pas coupables », ils n’avaient commis aucune faute. Ils n’étaient même pas résistants ! Le massacre de résistants aurait-il été acceptable, ou compréhensible ? Cela rappelle R. Barre évoquant les « victimes innocentes » dans l’attentat de la rue des Rosiers, pour évoquer les victimes non juives….Malaise. Malaise d’autant plus grand que N. SARKOZY n’a rien dit de la nécessaire recherche des auteurs de ces crimes. La mémoire, le souvenir, c’est aussi savoir. Savoir qui a agi, pourquoi. Les Allemands sont engagés dans cette recherche. Pourquoi donc l’occulter de notre côté ? Le Président est resté fidèle à son idée que le travail de mémoire n’a pas d’intérêt.
La visite du Président aura constitué un moment de reconnaissance utile. Mais N. SARKOZY a manqué l’occasion d’un grand discours sur notre histoire. J. Chirac avait trouvé les mots pour désigner la responsabilité de la France dans la déportation des juifs. N. Sarkozy n’a su que décrire un massacre, sans vouloir lui donner un sens. Dommage….
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