On savait Nicolas Sarkozy adepte du tout sécuritaire, on en a ces jours-ci une démonstration qui donne la nausée. Déjà, la mise en place du fichier Edvige, censé répertorier tous les détails privés des responsables publics et repérer les jeunes de plus de 13 ans susceptibles de troubler l’ordre public, avait sonné l’alarme. Une mobilisation publique plus tard, le Gouvernement avait dû remballer son projet et en proposer un autre, plus « soft ». C’était pour mieux rebondir.
Coup sur coup, à trois reprises, l’obsession de l’enfermement qui plane sur ce Gouvernement a refait parler d’elle. D’abord, à propos d’un plan soi-disant de sécurisation des hôpitaux psychiatriques, annoncé avant hier par le Président de la République en personne. Des faits divers épouvantables ayant récemment marqué les esprits, celui-ci a décidé de frapper fort…et de rompre avec trente ans de politique psychiatrique : enfermement sécurisé, vidéosurveillance et GPS pour localiser les patients, hospitalisation d’office facilitée, l’arsenal est large. Le mécontentement aussi, qui le dispute à la stupeur chez tous les professionnels. Car de soigner mieux, il n’est pas question ! Alors que l’on sait que parmi les prisonniers beaucoup ne relèvent pas de l’univers carcéral mais de soins, alors que l’accès à un psychiatre est difficile et souvent très long, notamment dans certaines régions, la seule préoccupation gouvernementale n’est pas de mieux soigner, mais de mieux enfermer. Comme si la solution pouvait venir de la relégation : cachés, sans doute, les malades psychiatriques pourraient donner l’illusion de ne plus exister…
Le lendemain, hier donc, Rachida Dati s’en est cette fois prise aux enfants délinquants. Au nom du « bon sens », elle a trouvé judicieux de prévoir la prison dès l’âge de 12 ans ! Je n’en reviens toujours pas, je l’avoue, à la fois de la violence assumée de la décision et de l’impudence de son annonce : du simple « bon sens » ! Comment contester une décision de « bon sens », comment la contester ? Tout cela, pensez-donc, est tellement naturel. Mais depuis des mois, la garde des Sceaux nous serine que la violence et la délinquance des mineurs sont en hausse. Un récent rapport vient contredire cette affirmation et constate qu’au contraire ces phénomènes sont stables, voire en régression. Le « bon sens » ne commanderait-il pas plutôt de donner les moyens à la justice de mieux accompagner et encadrer les jeunes en rupture sociale ou familiale ? Le « bon sens » n’amène-t-il pas à se demander quel avenir l’on réserve à nos enfants en les enfermant dans des prisons surpeuplées dès 12 ans ? Sans soute une partie de l’opinion pense-t-elle que les jeunes en question ont bien mérité ce qui les attend. Mais imagine-t-on que l’effet de cette annonce sera dissuasif ? En son temps, R. Badinter avait démontré que la peine de mort n’avait aucun effet sur la criminalité. Il serait temps que l’on se demande si des enfants en perdition peuvent être réceptifs à la nouvelle menace qui est brandie. Mais au fait, combien sont-ils, ces jeunes à enfermer ? Quelques uns à peine, comme on le murmure ? Faut-il alors consacrer tant d’énergie à les éloigner de la société plutôt qu’à les y insérer ? Ou plusieurs centaines, comme le subodore la ministre : quel échec, dans ce cas, pour son action depuis 18 mois !
C’est sans compter l’UMP, qui a la martingale : le dépistage de la violence dès la garderie infantile ! On voudrait en rire, mais il faut se résoudre à y croire : oui, les députés UMP proposent de repérer les bébés potentiellement délinquants. La question est sérieuse : comment s’y prendre pour le faire ? Les arrachages de sucette, les batailles de purée ou les morsures entre voisins de sieste sont-ils des indices suffisants. Mais surtout, que va-t-on en faire, de ces bébés ? Les droguer aux neuroleptiques, mettre sous surveillance leurs parents, nécessairement fautifs, ou construire des crèches sécurisées, des écoles protégées, des centres de loisirs renforcés pour ces enfants à risques ?
En tout cas, je ne peux accepter ce qui nous est annoncé. Car derrière tous ces projets, se cache une seule et même obsession : toujours plus surveiller pour toujours mieux punir. Et si l’on parlait de prévention, d’accompagnement, de soins, d’insertion ? Ces mots là, sans doute, ne relèvent pas du « bon sens ».
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