Au plus fort des manifestations lycéennes et étudiantes, Nicolas Sarkozy a tenté d’enrayer la contestation en dépêchant le directeur de Sciences Po auprès du ministre de l’éducation nationale, Xavier Darcos, et a chargé Martin Hirsch de faire des propositions « pour une nouvelle politique de la jeunesse ». A ce jour, cela n’a pas vraiment suffi à rassurer, mais le Haut-commissaire aux solidarités actives a mis en place une commission à laquelle je participe, je l’ai déjà évoqué, y représentant le groupe socialiste de l’Assemblée nationale. Un Livre vert viendra rendre compte des travaux de ce groupe, sans doute à la fin du mois de mai. Qu’en restera-t-il ensuite ? Le doute est permis, la politique du Gouvernement depuis deux ans étant tout sauf favorable aux jeunes : éviction du marché de l’emploi par la défiscalisation des heures supplémentaires, politique éducative au rabais, absence du plan de relance. Martin Hirsch peut n’être que l’alibi social d’une politique qui ne l’est pas du tout ! Les contraintes qui nous sont imposées (pas de création d’emplois publics, pas de remise en cause du paquet fiscal de la loi TEPA) sont d’ailleurs problématiques.
Très vite cependant, M. Hirsch va faire des propositions pour éviter que les jeunes ne soient les grands sacrifiés de la crise. Il m’a semblé indispensable que le PS prenne position avant de connaître les décisions gouvernementales : le Parti socialiste doit proposer en amont, pas seulement réagir aux décisions du Gouvernement pour s’y opposer. J’ai donc présenté un plan d’action pour les jeunes face à la crise, que le Bureau national (l’instance politique du PS) a adopté mardi dernier.
Avant d’en présenter les grandes lignes, je voudrais faire part de trois réactions face à la situation des jeunes. Il est d’abord étonnant que ce soit le « ministre des pauvres » qui devienne le »ministre des jeunes ». Cela traduit bien le fait que la jeunesse est trop souvent perçue comme un problème, alors que les jeunes ne cessent d’inventer de nouvelles formes de culture, de communication, de relations sociales que les adultes s’approprient. Je suis frappée ensuite de l’ambivalence des réactions, de la droite surtout, à leur égard : jamais la jeunesse n’a autant été célébrée, jamais les jeunes n’ont été autant stigmatisés. Enfin, il ne faut évidemment pas tomber dans le piège de croire que les jeunes forment une catégorie unique, transcendant tous les autres clivages, notamment sociaux : or, ce qui me frappe dans la commission Hirsch, c’est que les étudiants sont représentés par leurs syndicats, alors que les autres, les jeunes qui travaillent, sont en formation, ou galèrent, ceux-là ne sont représentés par personne. Ce sont d’autres qui se chargent de parler pour eux : professionnels de l’orientation, de l’insertion …
Plutôt que de proposer une multitude de mesures, sans doute utiles mais trop éparpillées pour marquer, j’ai choisi d’en privilégier quatre.
D’abord, la création de 100 000 emplois-jeunes : le bilan de 1997 est excellent, et s’il ne fait aucun doute que le secteur marchand est le cœur de notre économie, en période de crise seule la puissance publique a les moyens de réagir vite. La droite confond trop vite emplois-jeunes et emplois publics (ce sont des emplois tremplins, des emplois associatifs aussi…,). Mais surtout je ne vois pas pourquoi le raisonnement de M. Hirsch, qui consiste à anticiper dès l’été prochain les départs en retraite des prochaines années ne vaudrait que pour le secteur privé et pas pour le public, par exemple à l’hôpital.
Ensuite, la création d’un emploi aidé spécifique pour les jeunes, que j’ai baptisé contrat d’insertion-formation. Un contrat aidé, oui, mais avec une formation obligatoire. Je fais partie de ceux qui soutiennent les contrats aidés, mais sans se faire d’illusions sur leur capacité à ramener vers un emploi durable. Or les jeunes doivent avoir un autre horizon que l’assistance : 50 000 contrats aidés donc, pour sa rémunération, accompagnés d’une formation, dans n’importe quel domaine, pour préparer l’avenir.
Il y a aussi les jeunes qui décrochent du système scolaire : lorsqu’ils viennent de le faire, il est temps de valider leurs connaissances, dans le cadre d’une formation non scolaire : c’est ce que le PS a adopté sous le nom d’allocation formation Rebond. Une sorte d’école de la 2ème chance, à destination d’autres publics, d’autres situations (25 à 30 000 places).
Enfin, les jeunes sont les premières victimes du chômage après un CDD,un contrat d’intérim : j’ai repris la proposition du plan de relance socialiste de prolonger la durée d’indemnisation du chômage de 6 mois pour tous ceux qui se trouveront sans emploi après un contrat précaire, au cours des deux prochaines années.
Ces quatre mesures représentent un peu plus de 4 milliards d’euros. C’est beaucoup. Mais c’est à peu de choses près ce que coûte à l’Etat la défiscalisation des heures supplémentaires. Il y a urgence, tout le monde en convient. Il faut maintenant agir.
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