Nicolas
SARKOZY juge que le temps des bilans n’est pas venu. Aurait-il
eu de telles pudeurs si le succès avait été au rendez-vous ? Assurément
pas : le personnage n’est pas du genre modeste, seules l’impopularité et
la méfiance de l’opinion l’ont retenu. Ce premier bilan, néanmoins, mérite
d’être dressé, et je pourrais évoquer mille et un sujets : le renoncement aux promesses de campagne (pouvoir
d’achat, croissance, sécurité…) ;
la frilosité européenne (j’y reviendrai prochainement) et la diplomatie du renoncement
(renoncements à une autre politique africaine, à la voix singulière de la
France avec la réintégration complète dans l’OTAN…) ; l’injustice fiscale,
la connaissance, la culture et l’innovation bradées. Je voudrais aujourd’hui relever
seulement trois dérives.
Les deux dernières années se sont traduites par le démantèlement de notre modèle social. Avec la
crise et les discours vibrants en faveur de « l’amortisseur social »,
on en oublierait presque les choix concrets qui ont été faits, depuis la
réforme de l’indemnisation chômage (celui qui est chômeur le veut bien !)
à la remise en cause de l’hôpital public. Ce qui est frappant, c’est la
contradiction flagrante entre la volonté de substituer la responsabilité
individuelle à la solidarité collective d’un côté, et l’invocation de l’ordre
social républicain pour justifier d’autres politiques, en matière de sécurité
par exemple. Le Président de la République, qui parle souvent de droits et
devoirs, n’est pas équitable dans leur répartition : les devoirs sont ceux
imposés par la collectivité mais les droits dépendent de ses assurances
individuelles ! Ainsi les jeunes : ils sont assez
« grands » pour être responsables pénalement très tôt, mais pas assez
pour prétendre à des droits sociaux avant 25 ans ! Où est la
logique ? La vérité est que nous
sommes face à un modèle social foncièrement dur, qui allie ordre social
répressif et encouragement aux assurances sociales privées.
Le deuxième sujet qui me frappe est l'absence de ligne politique cohérente. On a beaucoup parlé
de l’agitation présidentielle, de sa propension à passer d’une annonce à une
autre, de sans cesse changer de terrain. C’est peut-être tactiquement habile et
médiatiquement porteur : mais ce n’est ni rassurant socialement ni
convaincant politiquement. Il s’agit moins de pragmatisme que d’incapacité de
construire un socle d’idées cohérentes, qui donnent un sens à l’action menée.
La frénésie de communication renvoie au vide des grandes réformes : je
reconnaîtrais volontiers les avancée réalisées, fussent-elles contraires à mes
convictions. M. Thatcher et R . Reagan ont profondément transformé leurs
pays, dans un sens que je crois terrible, mais personne – en tout cas pas
moi- ne leur niera une vision. Le drame, c’est justement que N. Sarkozy
n’a aucune idéologie, et que son pragmatisme est un habillage médiocre pour sa
jouissance du pouvoir.
Car, enfin, ce qui saute aux yeux depuis deux ans, c'est l'importance que le Président accorde à la satisfaction de ses désirs et de ses plaisirs. N. Sarkozy aime le pouvoir, moins pour ce qu’il lui permet de construire que
parce qu’il l’assure d’exister. Miroir,
mon beau miroir…Depuis deux ans, l’obsession élyséenne est de conforter un
pouvoir personnel clanique, qui protège les amis et châtie les impertinents.
Cela se traduit par le bouleversement dans le seul intérêt présidentiel de nos
règles constitutionnelles, le mépris des droits de l’opposition et la menace
permanente brandir à l’encontre des medias.
Vraiment, qui peut
parler de progrès pour la France, les Français, depuis deux ans ?
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