J'ai fini par trouver le temps d'entrer dans une salle de cinéma. Tout à fait par hasard, - le film des frères Coen que je voulais voir affichait complet – j'ai vu In the Air de Jason Reitman. Chouchou du nouveau cinéma outre-atlantique, il ne bouleverse pas les codes du 7ème art mais parvient avec une grande justesse à montrer un monde qui marche sur la tête. George Clooney, assurément plein de charme, parvient à faire oublier qu'on le voit beaucoup (trop) dans les pages people des magazines pour camper avec crédibilité un cadre sans repères (il vit dans les avions) dont le seul objectif dans la vie est de collectionner les miles et vit de la détresse des autres, puisque son boulot consiste à licencier le plus de monde possible le plus vite possible avec le moins de dégâts collatéraux possible. Le tout sur fond d'une histoire d'amour inattendue. Bref, un assez bon film qui en dit long sur une société qui valorise en bourse les entreprises qui licencient. Ce n'est pas un film militant, on peut y aller pour se distraire. Car on rit beaucoup. Vrai talent que de savoir faire rire de l'impensable. Mais quelle est cette société où licencier rapporte ?
Mais au fond, sommes-nous si loin
de cette parabole amère ? Je passe de longues heures à auditionner des experts
en tout genre dans le cadre de la mission parlementaire sur les risques
psycho-sociaux que je préside. La liste des humiliations que subissent parfois
les salariés paraît infinie : dans tel centre d'appels, il est interdit de parler
à son voisin de toute la journée ; dans cet autre atelier, on compte le nombre
de fois où les ouvriers vont aux toilettes et on mesure la durée de ces
absences ; dans une banque, ce sont des employés qui craquent de devoir mentir
sur la qualité des placements financiers vendus. Mais de quoi se plaignent-ils,
tous ? Comme l'a dit X. Darcos, le ministre du travail, ceux qui n'ont plus
d'emplois ont, eux, une raison de se plaindre ! Quelle est cette société qui
fait honte aux salariés de ne pas accepter n'importe quelles conditions de
travail ?
Depuis deux jours, au moment où le gouvernement présente son arsenal législatif sécuritaire à l'Assemblée (mais si ses résultats en la matière sont si bons, pourquoi une nouvelle loi ?), on entend parler de ces collégiens placés en garde à vue à la suite d'une bagarre dans leur établissement. Parmi eux, une jeune fille de 14 ans, interpellée chez elle, en l'absence de ses parents, à qui l'on a refusé même le droit de s'habiller. Tout ça, pour reprendre les mots de la principale du collège, pour « une histoire d'ados ». C'est purement et simplement incompréhensible : rien n'empêchait de convoquer cette collégienne au commissariat de police pour l'entendre. J'entends déjà certains me dire que je suis laxiste ! Mais non : il faut être ferme envers les délinquants, y compris les jeunes. Mais il faut d'abord s'assurer que l'on a affaire à des délinquants (ce qui en l'espèce reste à prouver) et ensuite il faut rester ferme sur les principes qui gouvernent la justice des mineurs depuis 1945.
Depuis 2002, la droite se livre à une véritable caricature des jeunes. Cela devient proprement insupportable. Il faudrait pouvoir « détecter » la délinquance dès 3 ans, enfermer les mineurs dès leur première infraction, considérer un mineur de 16 ans comme un adulte dès lors qu'il est « récidiviste »... Les projets de loi s'empilent, inapplicables. L'année dernière, des policiers ont placé en garde à vue deux garçons de 6 et 10 ans pour un vol de vélo qu'ils n'avaient même pas commis !! Il ne s'agit pas d'une énième polémique, ni de faire de l'angélisme, il s'agit de considérer nos enfants pour ce qu'ils sont : des enfants...Mais quelle est donc cette société qui a peur de ses enfants ?
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