Le « grand » sommet social réunissant les organisations syndicales et le chef de l'Etat a donc eu lieu ce matin. Grand sommet, puisque la presse le présente comme tel depuis quelques jours, comme si devait en sortir je ne sais quelle annonce décisive pour notre avenir. Les attentes sociales, assurément, sont fortes. Les résultats laissent sceptique : un calendrier a été présenté pour l'examen de la réforme des retraites, pour le reste, rien. Rien sur la crise et ses effets. Rien sur l'emploi et le pouvoir d'achat. Rien sur la situation des chômeurs en fin de droits. Pourquoi, dans ces conditions, une telle mise en scène ?
Depuis quelques jours, la future réforme des retraites occupe tout le terrain. Comme si c'était la seule question sociale à laquelle il fallait s'atteler. L'évidence est que non, et que nous manquons d'un cap pour la sortie de crise. Ce cap, nous ne le devinons pas davantage après le sommet.
Reste que la question des retraites est sur la table. Je voudrais à ce stade me contenter de quelques observations. D'abord, il est exact que l'avenir du régime de retraite par répartition impose de prendre des mesures qui seront douloureuses. Ces mesures ne seront acceptées que si elles paraissent justes, alors que ce qu'envisage le gouvernement et ce qu'a fait la droite depuis des années en la matière ne l'est pas. Un effort juste, cela pousse notamment à en finir avec toute une série d'exonérations de cotisations qui s'attachent à certains revenus (bonus, stock options, participation, intéressement....) et à certaines embauches. Un effort juste, c'est celui qui ne touche pas de la même manière ceux qui ont commencé à travailler jeunes ou qui ont occupé des emplois pénibles.
Ma deuxième observation en découle : la droite veut imposer l'idée qu'il y aurait d'un côté les « modernes », qui accepteraient de relever l'âge légal de départ en retraite, d'en finir avec le symbole de la retraite à 60 ans, et les autres qui seraient des « ringards », des immobilistes. Je récuse ce raisonnement, parce que réformer, ce n'est pas s'attaquer à un paramètre, comme si l'on pouvait l'isoler du reste ! Qui serait concerné par le relèvement de l'âge légal de départ en retraite ? Pas les cadres, qui ayant commencé à travailler plus tard, ont dépassé les 60 ans lorsqu'ils peuvent faire valoir leurs droits ; pas ceux qui ont fait de longues études et donc n'occupent pas, statistiquement, les emplois pénibles ; mais les autres, ceux qui ont commencé à travailler jeunes, n'ont pas eu les carrières les plus faciles. Ceux qui, à 60 ans, ont une espérance de vie de 7 ans plus faible que les cadres. Est-il juste de faire de l'âge le levier principal d'une réforme ? Assurément pas.
Que faire, alors ? D'abord engager une réorganisation du marché de l'emploi : aucune réforme n'est viable dans la durée sans un taux d'emploi meilleur, notamment chez les plus de 55 ans ; ensuite, trouver de nouvelles ressources (voir supra) ; par ailleurs, permettre une plus grande souplesse dans les choix de départ en retraite ; enfin, tenir compte de la durée d'activité et de la pénibilité des emplois bien plus que d'un âge de départ en retraite qui devrait être le même pour tous.
J'aurai l'occasion de revenir sur cette question. Le sommet de ce matin n'a pas bouleversé le paysage.
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