Voilà quelque temps que je n'ai pas pris la plume pour le blog. J'ai été très prise, ces dernières semaines, par la question des retraites. Je ne m'attarde pas plus longtemps sur ce sujet, j'y reviendrai, en profondeur, dans quelques jours.
Deux sujets dans l'actualité cette semaine sur lesquels je veux revenir.
L'agriculture, d'abord. Aujourd’hui, les agriculteurs sont dans la rue. Au premier rang d'entre eux, les céréaliers, qui sont souvent considérés comme les « nantis » de l'agriculture, qui ont été, en tout état de cause, les principaux bénéficiaires de la PAC. Cependant, leurs revendications sont légitimes : leurs revenus ont chuté de 60 % en deux ans. C'est dire l'ampleur de la crise qui touche l'agriculture, ce sont tous les corps de métier qui sont frappés. La détresse des agriculteurs est forte, elle appelle des mesures énergiques, une véritable refonte de la politique agricole, au-delà des quelques mesurettes proposées par le Gouvernement. J'ai interpellé ce matin le ministre de l'Agriculture à ce sujet, vous pouvez lire ici mon intervention en séance et la réponse du Gouvernement.
La burqa, ensuite. Je veux réagir sur la forme d'abord. Après l'échec pourtant retentissant du débat sur l'identité nationale, le Gouvernement flirte à nouveau avec la ligne rouge. Résultat, il veut déchoir de sa nationalité un homme sans s'occuper de savoir si c'est juridiquement possible (et il semble que la polygamie ne soit pas un fondement pour déchoir quelqu'un de sa nationalité), agite une fois de plus le drapeau de la république face à la menace que serait la burqa. C'est fait, une loi d'interdiction totale est annoncée, alors que le Conseil d'État, consulté sur ce point, a exprimé des réserves très précises sur une interdiction totale tout en explicitant longuement sa position et en donnant des pistes claires pour faire une loi qui serait constitutionnelle. À quelles dérives en est réduit un Gouvernement qui choisit de ne pas écouter la voix du droit, dans une affaire aussi sensible ? Le Conseil d'État, la constitution, ce ne sont pas des instruments destinés à mettre des bâtons dans les roues des réformistes, ce sont les garants de la démocratie, ce n'est pas rien.
La burqa m'est insupportable. À chaque fois que je croise l'une de ces femmes, véritables ombres d'elles-mêmes, c'est un coup au coeur que je ressens. Aucune prescription religieuse n'impose que l'on asservisse ainsi un être humain ni même que l'on s'asservisse soi-même : il semble bien que beaucoup des 2000 femmes concernées aient choisi de s'isoler ainsi du monde. À ma connaissance, l'Islam ne prescrit nulle part le port de ce voile. Pour une femme, voir d'autres femmes disparaître aussi manifestement de l'espace social est proprement insupportable, et je pèse mes mots. Je le dis fortement : je souhaite, comme tous les socialistes, que l'on puisse faire en sorte que cela ne soit plus possible. Mais pas n'importe comment. Pas au prix de la stigmatisation d'une catégorie de population, pas au prix d'une remise en cause des libertés individuelles.
Que dit le Conseil d'État dans sa décision ? Très simplement que l'égalité hommes-femmes et la dignité humaine ne peuvent servir de fondement incontestable à une loi ; qu'il est donc préférable de choisir une interdiction ciblée, dans les services publics. Il a fait trois propositions.
Il propose d'étendre les possibilités d’interdiction de la dissimulation du visage pour prévenir les atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans le cadre du pouvoir de police, puisque seule la sécurité publique peut servir de fondement à une loi.
Il suggère de prévoir, en plus des dispositifs déjà existants, des obligations de découvrir son visage dans un certain nombre de situations, par exemple dans certains lieux en raison de leur nature ou des exigences liées au service public exercé (une sortie d'école par exemple).
Il propose, enfin, et c'est fondamental, de créer un délit spécifique, mais dans le cadre des dispositifs pénaux, qui punirait le fait d’imposer à autrui par violence, menace, contrainte, abus de pouvoir ou abus d’autorité, de se dissimuler le visage en public, en raison de son appartenance à une catégorie de personnes, notamment à raison du sexe. Ce délit serait assorti d'une peine plus lourde que les dispositifs utilisés aujourd’hui.
Dans ces conditions, une loi serait applicable (à quoi sert de voter une loi que les forces de l'ordre ne pourraient faire appliquer ?) ; elle serait constitutionnelle ; elle ne serait pas stigmatisante. Si le gouvernement s'engage dans cette voie, moins spectaculaire mais plus efficace, alors je voterai avec lui. Mais il semble préférer la politique spectacle au débat responsable : la surenchère dans le lamentable épisode du polygame de Nantes le montre, une fois de plus.
Les commentaires récents