Deux secrétaires d’Etat viennent de démissionner. Ils
étaient l’un et l’autre mis en cause dans des affaires qui seraient hubuesques
si elles n’étaient lamentables, Joyandet pour avoir bénéficié d’un passe droit
en matière de permis de construire sur la côte d’Azur, Christian Blanc pour
avoir fait payer sa consommation personnelle de cigares – 12000 € - par l’Etat.
Il y a fort à parier que, pour le second au moins, la démission a été demandée
plus qu’elle n’a été proposée. Mais enfin ! Qui peut prendre cette
mascarade au séreux ? La vérité est que, remises il y a deux semaines, ces
démissions auraient peut-être pu donner un coup d’arrêt à la crise en cours.
Aujourd’hui, elles apparaissent comme un coup pour rien, alors que N. Sarkozy
il y a quelques jours à peine annonçait un remaniement …pour octobre ! Une
première sous la Vème République, que cette annonce anticipée, mais une fois de
plus cette première aura été malvenue : car si des comportements
méritaient d’être sanctionnés, pourquoi attendre l’automne ? Et les
démissions de ce dimanche laissent le même goût d’inachevé : pourquoi ce
qui pouvait attendre il y a quelques jours est-il devenu si urgent ?
Pourquoi eux, et pas les autres ? Pourquoi eux et pas E. Woerth ?
L’affaire Woerth empoisonne le débat
public. Je me suis
déjà exprimée sur cette affaire, mais chaque jour apporte son lot d’interrogations.
Contrairement à ce qu’affirme la droite, les socialistes ne s’en saisissent pas
comme prétexte pour ne pas aborder le débat des retraites. En charge de ce
dossier au Parti socialiste, à quelques jours de la présentation du projet
gouvernemental à l’Assemblée nationale, je souhaite plus que tout une
confrontation démocratique des projets. J’ai eu l’occasion de dire qu’E. Woerth
me paraissait à la fois courtois et disposé à une confrontation loyale. Ce
temps est à l’évidence révolu. C’est la droite qui, depuis des semaines, manie
une arrogance non dénuée d’incohérence à notre égard, nous reprochant tout à la
fois de ne rien proposer et d’avancer des idées médiocres ! Manifestement
prise au piège de ses affaires, la majorité ne sait quel terrain choisir. Car
ou bien nous n’avons pas d’idées, ou nos idées sont mauvaises, mais ce ne peut
être les deux à la fois ! E. Woerth n’est en tout cas plus un
interlocuteur crédible sur ce sujet.
Le climat de crise profite uniquement
au Front national. La
gauche, les socialistes en particulier, n’ont rien à gagner à cette dérive. Les
Français sont choqués, heurtés par le manque de mesure, de retenue dont font
preuve les membres du gouvernement. Manifestement, avec N. Sarkozy, tout est
effectivement possible, comme le proclamait son slogan de campagne. Tout, mais
surtout le pire. Les Français en viennent à rejeter l’ensemble de la
« classe politique » - je déteste ce terme, qui me semble impropre
tant les responsables politiques sont divers – et à entonner facilement le refrain
du « Tous pourris ». Au moment où le Parti socialiste engage sa
rénovation, comment ne pas être furieux de cet amalgame, qui ne sert que les
intérêts de la famille Le Pen ?
Les démissions d’aujourd’hui ne
règlent rien.
L’affaire Woerth est autrement plus gênante. Rien ne dit que le ministre du
travail ait fait quoi que ce soit d’illégal, même s’il est difficile de croire
qu’il n’a pas eu connaissance du chèque de 30 millions versés à Mme Bettencourt
au titre du bouclier fiscal, qu’il ignorait que sa femme, salariée de la
milliardaire, se rendait à Genève pour son travail alors même que des soupçons
de fraude fiscale concernant l’héritière de L’Oréal lui avaient été transmis
par le parquet de Nanterre dès janvier 2009. Mais rien d’illégal n’a été à ce
jour démontré. Cela suffit-il à régler son cas ? Evidemment non. La vérité
est que ce qui se joue sous nos yeux est une pièce dont le premier acte a été
écrit au Fouquet’s et s’est prolongé sur le yacht de V. Bolloré où N. Sarkozy a
fêté sa victoire. Comment un Président qui ne trouve rien d’anormal à ce que
des chefs d’entreprise lui paient ses vacances serait-il choqué qu’un de ses
ministres soit trésorier de l’UMP et ait demandé à une milliardaire d’embaucher
sa femme ? Se révèle aujourd’hui un système d’imbrication des intérêts
publics et économiques qui est la marque de fabrique du sarkozysme.
Alors que le gouvernement annonce une
politique non pas de rigueur mais de restriction, il est frappant de voir combien
notre démocratie ne fonctionne pas de manière équilibrée. Les efforts demandés
aux uns sont énormes alors que d’autres n’hésitent pas à faire prendre en
charge leur train de vie par l’Etat. C’est ce décalage qui est insupportable.
Loins de la République irréprochable promise par N. Sarkozy, nous en sommes
réduits à assister au triste spectacle d’une caste qui s’arroge des privilèges
d’un autre âge. Il n’est pas étonnant que Jean-François Coppé ait cru bon
dénoncer un climat digne de la nuit du 4 août, oubliant que cette nuit là, ce
sont les privilèges de l’Ancien régime qui avaient été mis bas. Ainsi, l’un des
principaux responsables de la majorité peut aujourd’hui sans trembler regretter
l’abolition des privilèges….
Laurent Terzieff est mort. Loin de cette agitation, ces
derniers jours ont été marqués par la mort de ce prodigieux homme de spectacle.
Je l’avoue, cette disparition me touche. Il était sur scène incandescent, comme
consumé par les mots qu’il disait. J’ai pu le voir ces dernières années aussi
bien dans l’Habilleur (pièce de
l’Anglais R. Harwwood) que dans Philoctète
(dans une version tirée de Sophocle), spectacles pour lesquels il a été
récompensé. Je ne garde pas en mémoire la splendeur du jeune premier de ses
débuts, plutôt le regard tourmenté et sans concession de ses dernières années.
Le théâtre fait homme, la passion des textes, loin des modes et des facilités.
Avec Laurent Terzieff, c’est une histoire du théâtre qui s’achève, celle d’un
théâtre distancié, assumé, qui ne cherchait pas à être « comme dans la
réalité ». Les hommages se sont multipliés. Tous disent en tout cas une
chose : Laurent Terzieff n’a jamais cédé aux sirènes de la facilité, de
l’argent, il a tout donné à l’art, dont il avait une conception exigeante et
généreuse. Tristes journées, en vérité.
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