A n’en plus douter, la campagne présidentielle est lancée. Si la gauche en est à organiser la sélection de ses candidats la droite, elle, a commencé à roder ses thèmes de campagne. Comment comprendre autrement l’invraisemblable déclaration de L. Wauquiez, ministre des affaires européennes, sur les allocataires du rSa, « véritable cancer » de la société, selon ses termes ? La formule est faite pour choquer, elle est odieuse, méprisante et stigmatisante. L. Wauquiez a des lettres, il a fait Normale Sup, passé une agrégation puis l’ENA pour se retrouver au Conseil d’Etat. Il connaît la force des mots, leur subtilité, personne ne peut croire à un accident de langage. Lui-même, d’ailleurs, est revenu à plusieurs reprises sur ses déclarations, pour les confirmer, leur donner de l’écho.
Odieuse, la formule est faite pour caresser l’opinion dans le sens de ses inquiétudes. Le ministre s’est fait rappeler à l’ordre pour avoir mal choisi le moment de son offensive. Sur le fond, on voit bien que N. Sarkozy est décidé à faire en 2012 de l’immigration et de « l’assistanat » ce qu’il a fait de la sécurité en 2007, son thème de prédilection. Pour mieux tenter d’endiguer la montée de M. Le Pen ; pour mieux faire oublier ses échecs.
Car le paradoxe est bien qu’en lançant cette offensive, la droite écrit la nécrologie de sa politique sociale : les espoirs de 2007 se sont bel et bien envolés. Le pouvoir d’achat stagne, le chômage s’est envolé, la précarité dans l’emploi accentuée. Le président du pouvoir d’achat, qui prétendait s’adresser à « la France qui se lève tôt », celle-là même qui souffre de ne pas voir son travail reconnu à sa juste valeur, ce président n’a cessé d’être celui de la France des beaux quartiers, celle qui paie l’ISF et bénéficie des niches fiscales. D’un côté des mots, de l’autre des actes : les grandes successions moins taxées, l’impôt sur la fortune diminué pour compenser la suppression du bouclier fiscal. A l’indécence du propos de L. Wauquiez fait écho la suffisance de la politique sociale du gouvernement.
N. Sarkozy cherche donc à imposer sa thématique pour éviter de répondre de ses choix sociaux. L’opinion est réceptive à cette idée d’une fraude sociale massive, d’un intérêt objectif des chômeurs à ne pas reprendre d’emploi. La réalité est très différente : l’allocataire du rSa se voit retiré de ce qu’il peut percevoir (460 € pour une personne seule, 700€ pour un couple) les éventuelles allocations familiales ou aides au logement qu’il reçoit. Le rSa c’est donc une soustraction alors que pour ceux qui travaillent, les allocations et aides diverses viennent en plus. Dire qu’on n’a pas intérêt à travailler en France relève du mensonge. Ajoutons à cela que beaucoup de Français qui pourraient prétendre à une aide ne la demandent pas, pour ne pas être assimilés à des gens ayant besoin d’être soutenus ; et que le niveau des minima sociaux est inférieur dans notre pays à ce qu’il est chez la plupart de nos voisins (alors même que notre système social est globalement élevé).
A l’évidence, le vrai sujet est ailleurs, il est celui de l’emploi et du niveau des revenus. Contrairement à ce que prétend la droite, le nombre de fraudeurs est infime (2% environ), le nombre de Français cherchant un emploi sans en trouver élevé. On peut bien demander une activité en contrepartie des aides apportées : le résultat sera d’enlever du travail à ceux qui effectuent les tâches concernées. L’enjeu, ce n’est pas de chercher à coiffer l’extrême-droite sur le poteau du populisme, mais de mettre en œuvre une politique économique qui crée des emplois. L’Allemagne y réussit, pas nous. Il sera difficile de faire croire que la faute en incombe aux chômeurs, plutôt qu’à la politique choisie par N. Sarkozy.
On le voit, la campagne est lancée. De manière inquiétante. Incapable de gagner par son bilan, hors d’état de proposer un projet crédible au-regard de son action, N. Sarkozy a choisi la démagogie, le populisme, la compétition avec le Front national pour attirer des électeurs qui se sentent déclassés, déconsidérés, marginalisés. La gauche doit s’adresser à eux, pas pour exploiter leurs amertumes mais pour leur proposer des solutions. Mais elle est avertie : la campagne sera nauséabonde.
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