Certains appelleront ça du pragmatisme, j’y vois plutôt la marque d’une politique imprévoyante, brouillonne et incohérente. Ces derniers jours ont vu se multiplier les vraies fausses reculades et les signes de mépris à l’égard du Parlement. Exemples choisis : le demi-recul de X. Darcos sur les postes de RASED (les réseaux d’aide aux élèves en difficulté), le plan de relance ou l’annonce spectaculaire de la suppression du juge d’instruction.
Education : premier recul ? Xavier Darcos avait annoncé la suppression de 3000 postes de RASED et la réduction drastique des moyens accordés aux associations d’éducation populaire. Que n’a-t-on entendu ? A l’Assemblée, notamment, le Gouvernement n’a cessé d’expliquer que la Gauche, en défendant les RASED, défendait un dispositif inefficace et budgétivore ! Encore mardi dernier, alors que je l’interpellais sur ce sujet, il me répondait en ce sens. Mais le lendemain, pour calmer la grogne croissante dans le milieu éducatif, X. Darcos reculait à moitié, preuve que les observations que j’avais faites, avec mes collègues socialistes, étaient fondées. De deux choses l’une : ou le Gouvernement se contredit lui-même ou il reconnaît que sa mesure n’avait qu’un objectif : faire des économies. Dans le même temps, quel mépris pour les parlementaires !
Plan de relance : deuxième recul ? Et que dire de ce qui se passe pour le plan de relance, actuellement en débat à l’Assemblée ? Les socialistes ont d’emblée marqué (cliquez ici pour l’analyse précise de ce plan et lire le discours de D. Migaud, Président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale) leur préoccupation, face à un plan insuffisant en moyens et déséquilibré puisqu’il se concentre sur la seule aide aux entreprises, en oubliant le soutien de la consommation (qui représente pourtant 70 % de notre croissance). Mascarade, mensonge, preuve ultime de l’incompétence économique de la Gauche, que ne nous a pas dit le Gouvernement ! Mais, au même moment exactement où se tenait ce débat, le Premier ministre annonçait un nouveau plan, de 10 milliards. Alors, où est la vérité ? Là encore, de deux choses l’une : ou le plan en débat est suffisant, et il n’est nul besoin d’en proposer un nouveau, ou il est, comme le disent les socialistes, insuffisant, et le Gouvernement aurait dû faire preuve d’écoute à l’égard de son opposition. Une chose est certaine : le mépris à l’égard des députés, qui ont appris que ce dont ils débattaient était déjà obsolète !
Libertés publiques restreintes. De manière plus générale, les dernières annonces présidentielles vont toutes dans le sens d’une restriction des pouvoirs du Parlement au profit d’un renforcement de l’exécutif, en réalité du pouvoir du Président de la République. Cela montre, bien qu’ils n’aient pas su l’argumenter, que les socialistes ont eu raison de s’opposer à la réforme de la Constitution en juillet dernier. Car, en guise de nouveaux pouvoirs, l’année 2009 nous annonce au contraire la restriction du droit d’amendement, c'est-à-dire la limitation des droits de l’opposition. Confondre les droits du Parlement et ceux de la majorité présidentielle, c’est un peu rapide ! On nous reproche de faire de l’obstruction. Vraiment ? La loi sur l’audiovisuel ne méritait-elle pas 70 heures de discussion ? La réforme de l’hôpital doit-elle se faire en quelques heures, de nuit ?
Au-delà, le Président a décidé la suppression du juge d’instruction. Alors même qu’une commission est censée faire des propositions sur le sujet dans quelques semaines…Une réforme de la procédure pénale ne doit pas être écartée par principe. Mais transférer la responsabilité de l’enquête d’un juge d’instruction indépendant à un Procureur soumis au Garde des Sceaux est préoccupant pour les libertés ! Le préalable nécessaire à ce nouveau rôle des procureurs, c’est évidemment l’indépendance du Parquet ! Or, de cela, il n’est pas question. (Cliquez ici pour lire l’analyse de Mireille Delmas-Marty, Professeure de droit au Collège de France). Par ailleurs, la réforme du Président consiste à laisser à l’avocat de la défense la responsabilité de mener une contre-enquête. Indépendamment du fait que les avocats ne sont pas formés à cela, on voit bien que cela préfigure une justice à deux vitesses, entre ceux qui pourront se payer de longues enquêtes (qui se chiffreront en dizaine de milliers d’€) et les autres. Accès à la justice restreint d’un côté, renforcement de la mainmise du Gouvernement sur la justice de l’autre, les perspectives s’annoncent difficiles pour les libertés publiques !
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