Au début de cette année, présentant mes
voeux, j'avais mis en garde contre la tentation du zapping politique. Evoquant la
situation de B. Obama, je constatais que l'enthousiasme soulevé par son
élection, à bien des égards excessif, laissait place à un scepticisme tout
aussi inconsidéré. Avec le vote de sa réforme de l'assurance santé (acquis
désormais, au-delà de quelques obstacles de forme) revient le temps des
louanges. Il était indécis, attentiste, irrésolu ; il devient le président du bouleversement,
de la transformation, de la justice. A
dire vrai, ces images ne sont pas entièrement fausses. La première année de la
présidence américaine a déçu et B. Obama avait pris le risque d'un quitte ou
double sur la réforme de l'assurance santé : l'échec a d'abord paru dominer,
emportant par la même occasion la capacité américaine de peser sur les grands
sujets internationaux. Qu'il s'agisse de l'Iran, du Moyen-Orient, de
l'Afghanistan, la diplomatie américaine est apparue hésitante, peu solide, peu
crédible surtout. Maintenant que le paysage intérieur se dégage, le retour de
l'Amérique sur la scène internationale est attendu avec intérêt. Il n'est pas
neutre que B. Obama ait choisi de se rendre à l'improviste en Afghanistan pour
y saluer ses troupes et délivrer un message de fermeté. « America's
back », a-t-il dit en substance.
La réforme du système de santé est
saluée à juste titre : sans entrer dans les détails, 50 millions
d'Américains jusque là privés de toute assurance maladie seront désormais
assurés d'une prise en charge. Les concessions faites sont grandes, et pour
beaucoup incompréhensibles pour un Européen, habitué, où qu'il habite sur le
continent, à la défense d'une protection sociale publique et solidaire.
Entendre des Américains refuser la loi proposée par Obama au motif que seule
l'assurance individuelle est acceptable montre le fossé idéologique qui sépare
l'Europe et les Etats-Unis ; les entendre refuser la prise en charge de l'IVG
par cette nouvelle assurance montre les limites du « libre choix ».
Il faut espérer que ce vote permette
effectivement le retour de l'Amérique sur la scène internationale. Les
derniers mois ont été décevants. Il y a d'abord une frustration européenne : B.
Obama est le premier Président américain dont les racines ne sont pas en Europe
; cela pèse nécessairement sur sa vision du monde. Il a fait preuve, je crois,
d'une indifférence excessive à l'égard de nos pays, parfois à la limite du
mépris. Je ne crois pas que les Etats-Unis puissent se contenter d'une relation
avec l'Asie. Il y a un paradoxe Obama, président juriste qui défend une vision
du monde entièrement héritée des idées et des principes de la philosophie
politique européenne (qui fait du droit le pivot des relations
internationales), mais homme du nouveau monde aux racines africaines et
asiatiques qui ne comprend pas l'Europe. Il faut dire que la médiocrité de la
politique européenne, ces derniers mois, a de quoi rebuter : absence politique
de la nouvelle « ministres » des affaires étrangères de la scène
internationale, dont l'aveu décisif aura été celui, sincère, de sa
méconnaissance des questions internationales ; complexité du nouveau dispositif
institutionnel qui additionne et juxtapose les responsables sans permettre que
soit donnée une imulsion politique claire ; transparence (que dire d'autre ?)
du nouveau président de l'Union, comme s'il avait été choisi pour éviter de
faire de l'ombre aux chefs d'Etat ; tergiversations lamentables à propos de
l'euro et du soutien à la Grèce. L'indifférence de B. Obama n'est pas habile ;
l'Europe n'a rien fait pour l'éviter.
La déception internationale à l'égard
des Etats-Unis ne porte pas seulement sur son indifférence européenne. Je l'ai
dit, ils n'ont été convaincants sur aucun des grands dossiers du moment. Qu'on
le regrette ou non, la puissance américaine oblige ce pays à s'investir dans
les affaires du monde. L'isolationnisme américain n'a jamais été porteur de
bonnes nouvelles. Au Moyen-orient, seule la puissance américaine est à même
d'imposer à Israël les conditions d'une évolution. Alors que l'Europe est le
premier contributeur financier de l'Autorité palestinienne, sa capacité
d'influence est faible. C'est sans doute le sujet qui mérite la plus forte
implication désormais. La provocation israélienne est chaque jour plus
dangereuse, elle favorise les réactions extrêmes dans le camp palestinien, elle
n'est rien d'autre que le refus de la paix. La paix au Moyen-orient appelle un
geste fort.
C'est donc un président américain
requinqué que rencontre Sarkozy. Les gazettes vont nous abreuver d'images
glamour du dîner privé réunissant les deux couples présidentiels. Il en faudra
davantage pour restaurer la confiance entre nos deux pays. Nul doute que notre
président saura tirer quelque motif d'espoir du récent retour en grâce
médiatique de B. Obama, lui qui
prétendait pourtant que le président américain avait tout faux à se
concentrer uniquement sur sa réforme de santé. Alors que lui, ajoutait Sarkozy,
menait de front plusieurs grandes réformes : taxe carbone, réforme de la
justice, bouclier fiscal... S'il veut profiter du zapping médiatique, N.
Sarkozy a peut-être intérêt à entendre les préoccupations des Français. Mais
ça, ce n'est pas certain encore....
P.S. J'ai profité d'une soirée
parisienne pour aller entendre le dernier opéra du compositeur américain John
Adams (A flowering tree), à la cité de la musique. Fidèle à sa musique
assez minimaliste (il est le compositeur contemporain le plus joué dans le
monde, mais reste méconnu du grand public), John Adams livre une oeuvre
magnifique, moins spectaculaire que certains de ses opéras antérieurs (comme le
jubilatoire Nixon in China) mais très prenante (les choeurs sont
extraordinaires). A partir d'un comte indien, il propose avec Petar Sellars
(librettiste de luxe, on l'admettra) une morale universelle sur l'amour et
l'indifférence. Dommage que cette musique soit si mal diffusée en France.
Les commentaires récents