Je reviens de
quelques jours au Canada, au Québec et au Canada, plus exactement tant la
sensibilité québécoise sur la question reste vive. J’y suis allée avec deux
autres députés, Jean-Frédéric Poisson de l’UMP et Roland Muzeau du Parti
communiste, dans le cadre de la mission parlementaires sur les risques
psycho-sociaux que je préside et qui rendra ses conclusions fin juin. Il est
passionnant, toujours, de se plonger dans un environnement différent, de se
confronter à d’autres manières de penser. De fait, les Québecois, surtout, ont
plus qu’une longueur d’avance sur nous en la matière : en 10 ans, ils ont
créé un consensus sur la nécessité de prendre en considération la santé au
travail, y compris la santé mentale, et d’en tenir compte pour l’organisation
même du travail : sentiment d’inutilité, manque de reconnaissance sociale,
absence de visibilité sur les perspectives de l’entreprise et de son emploi,
soumission à des injonctions contradictoires, pression permanente sans raison,
absence d’autonomie pour accomplir ses tâches alors que l’autonomie est partout
érigée en modèle, …ce sont les principaux facteurs d’anxiété, de stress, de
dépression au travail. Les Canadiens ont démontré que ces tensions provoquaient
de l’absentéisme et des congés maladie coûteux pour les entreprises, que
celles-ci avaient donc intérêt à s’en préoccuper. Des plans
d’accompagnement des salariés ont
été systématiquement mis en place, des questionnaires d’évaluation du climat
humain et social de chaque entreprise se généralisent, des formations
spécifiques sont dispensées aux (futurs) managers dans les plus grandes
universités. Tout simplement, l’objectif d’améliorer la situation humaine des
salariés s’est imposé, du haut en bas de la hiérarchie, tout en rappelant,
comme l’a dit un de nos interlocuteurs, qu’ « une entreprise n’est pas une
colonie de vacances et doit générer du profit ». Chez nous, le déni reste
la règle, les écoles de commerce considèrent tout cela avec dédain et les
entreprises se satisfont le plus souvent de quelques animations internes pour
s’estimer quitte. Les organisations syndicales, de leur côté, n’ont pas toutes
ni toujours fait de cette question un enjeu de même importance que les
revendications salariales « classiques ». Cela commence un peu à
bouger, depuis la médiatisation des suicides de France Télécom, des entreprises
« vertueuses », comme Danone, par exemple, intéressent davantage. Il
y a sans aucun doute des leçons à prendre chez nos amis canadiens.
La crise de l’euro et
le sauvetage financier de la Grèce me sont donc parvenus à travers la
presse nord américaine. Je ne m’y attarde pas, tant les commentaires ont déjà
été nombreux. L’Europe s’est réveillée, tard, si tard, mais enfin elle a bougé.
Un plan d’aide à la Grèce a été mis en place et un fonds d’intervention aux
Etats en difficulté créé : 750 milliards d’€, la somme est colossale.
Dominique Strauss-Kahn et le FMI ont joué un rôle clé, à la fois pour rassurer
les marchés et faciliter un accord. La France a été fidèle à sa tradition
interventionniste, l’Allemagne a déçu : Angela Merkel a été d’une hésitation
coupable, sacrifiant l’Europe sur l’autel de ses élections locales, qu’elle a
d’ailleurs perdues. Le cynisme, en politique, n’est pas toujours payant,
surtout dans les moments de tourmente qui exigent de la lucidité et de la
hauteur de vue. Face au manquement allemand, N. Sarkozy s’est donné le beau
rôle. En Italie, les Italiens pensent que c’est Berlusconi qui a sauvé la mise
de l’euro ce qui devrait obliger notre président à quelque modestie. Ce n’est
pas son fort. Il a, en tout cas, tenu son rôle, et su faire preuve d’un réel
talent pour occuper le devant de la scène. On l’a déjà vu, il est très fort
pour briller dans les conférences internationales. Les résultats,
malheureusement, ne suivent pas
toujours. Or, des résultats, nous en aurons besoin car nous n’avons vécu que
l‘acte I de la crise européenne. L’Europe est face à un moment décisif de son
histoire : si elle ne s’engage pas résolument dans un gouvernement
économique en lien avec le Conseil, la crise s’aprofondira. Le temps n’est plus
aux mots mais aux actes.
La rigueur, car le
mot ne doit pas faire peur, ne saurait tenir lieu de seule réponse à la crise.
Il est sidérant de voir que le gouvernement français engage une politique
d’austérité, de rigueur, qui pèse sur les seules épaules des Français. La crise
grecque a bon dos, qui sert d’alibi au pouvoir pour imposer un tour de vis aux
dépenses publiques. Après le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux,
voici venu le temps de la diminution de 10% des budgets d’intervention des
ministères. Tout le monde est soumis à la même toise : 10% de moins pour
le RSA ? Pour les aides à l’emploi ? Pour les hôpitaux ? C’est
cela qui se profile. Qu’il faille faire des économies, soit, mais que l’on
procède de cette manière, arbitraire, sans se poser la question de l’utilité
des politiques menées, des besoins de chaque secteur, me laisse sans voix. En
tout cas, à n’en pas douter la question de la rigueur, celle des déficits et de
nos choix budgétaires sera au cœur de la campagne de 2012.
Je le dis tout net,
le temps est à l’esprit de responsabilité. Les déficits s’accumulent,
l’euro n’est pas complètement stabilisé. La gauche doit regarder en face cette
réalité là. Elle n’est pas obligée pour autant de soutenir les choix du
gouvernement, qui fait peser sur les politiques de solidarité sociale et sur
les salariés la totalité de l’effort. Comment peut-on accepter une rigueur qui
épargne les plus hauts revenus ? Comment accepter une austérité qui frappe
les dépenses sans s’occuper des recettes ? Il nous faut équilibrer la
maîtrise des dépenses, la chasse aux exonérations fiscales et le soutien au
pouvoir d’achat, seul pilier actuel de notre économie. Les perspectives sont
sombres, si la consommation devait continuer à chuter, c’est la sortie de crise
tout entière qui serait menacée. Il nous faut définir une nouvelle croissance,
à la fois écologique et sociale, choisir nos champs d’investissements et
d’intervention, être attentif à l’utilité sociale de chaque dépense. Mais la
baisse arbitraire et uniforme des dépenses n’est pas une politique sérieuse.
Je suis donc en
colère face à la volonté de Bruxelles de disposer d’un droit de regard sur les
budgets nationaux. Vous le savez, je suis favorable à l’intégration
européenne, au renforcement de sa cohésion politique. J’ai approuvé le traité
de Maastricht et voté oui en 2005. Je me sens donc très à l’aise pour dénoncer
cette tentative de main-mise bruxelloise. Quels sont donc les hauts faits de la
commission européenne au cours de la crise actuelle qui justifie une telle arrogance ?
On a vu DSK partout, les chefs d’Etat et les ministres des finances. Mais
quelle parole forte a prononcé Barroso ? Quelle initiative de Van Rompuy
a-t-elle marqué les esprits ? Ne cherchez pas, il n’y en a pas ! Au
nom de quelle légitimité, au nom de quels principes ces hommes
s’arrogeraient-ils le droit de juger de nos politiques sociales, éducatives,
administratives ? Oui, il faut renforcer la cohérence des politiques
économiques, aller vers un gouvernement économique de l’Europe, unifier nos fiscalités.
A ce jour, le seul discours d’unité est celui de la finance et de la banque.
Quel toupet de nous expliquer, en pleine tourmente financière, que ce sont les
responsables de la crise qui mine l ‘économie mondiale depuis des années
maintenant qui vont juger du bien fondé des choix nationaux ! Un peu de
décence, quand même !
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