Bientôt la campagne cantonale amènera les Français à s’intéresser aux propositions locales qui leur sont faites. Mais il faut avouer que depuis quelques jours, les déclarations tonitruantes de certains responsables politiques de gauche ont de quoi laisser perplexes. Et les socialistes ne sont pas, cette fois-ci, en cause.
A l’évidence, le semestre qui s’ouvre sera celui des positionnements et des tentatives des uns et des autres pour s’imposer dans l’opinion publique. Car même ceux qui recommandent de s’abstraire des sondages ont les yeux rivés sur leur propre courbe de popularité, mieux encore, de crédibilité électorale. Les sondages ne sont en rien une vérité électorale, surtout à plus de 500 jours d’une échéance majeure. Mais ils expriment un état de l’opinion, qui peut d’ailleurs évoluer, se laisser séduire…ou décevoir. Les primaires socialistes produisent une onde de choc qui se répercute bien au-delà des rangs du PS : car si le PS ne peut à lui seul l’emporter, il est, quoi qu’on en dise, le seul à gauche à pouvoir s’imposer dans le deuxième tour de la présidentielle. Dès lors, les autres responsables de gauche vont tenter de s’immiscer dans ce jeu là par des déclarations plus ou moins fracassantes.
C’est ce qu’a fait Jean-Luc Mélenchon, en annonçant sa candidature. Il connaît trop bien le paysage électoral pour ignorer qu’il lui faudra composer avec les socialistes s’il veut apparaître comme un parti de gouvernement et non un ersatz d’extrême-gauche. Alors, il tape, il tape fort sur celui qui, dans les rangs socialistes, paraît le mieux placé, Dominique Strauss-Kahn. Sans doute avec l’espoir d’influencer à la marge le choix des socialistes eux-mêmes, et pour se libérer un espace, celui du populiste assumé de gauche, qui joue collé-serré avec la base pour mieux revenir vers les sommets. C’est en tout cas ce qu’il espère.
Mais à force de tempêter, de vilipender, d’agresser, Jean-Luc Mélenchon est en passe de s’imposer comme le roi des imprécateurs médiatiques, héros des plateaux TV pour ses bons mots, mais sans débouché politique. On a connu des responsables qui tutoyaient les sommets de la popularité sondagière sans jamais parvenir à gagner une élection, on découvre avec Jean-Luc Mélenchon l’agitateur médiatique en chef qui semble se résigner à dénoncer plutôt qu’à agir.
Je n’ai pas de doute que l’ancien ministre de L. Jospin, réformiste en diable dans son exercice gouvernemental, ne se résignera pas à faire élire N. Sarkozy. Mais la menace est réelle. Si Dominique Strauss-Kahn est le meilleur candidat actuel des socialistes, ce n’est pas seulement en vertu d’une capacité remarquable à rassembler au deuxième, au-delà de la gauche. Mais c’est parce qu’il est le seul, dès le premier tour, à concurrencer N. Sarkozy, voire à le devancer dans les intentions de vote. Rappelons-le : une victoire au deuxième tour suppose que l’écart avec le candidat de la droite au premier tour ne soit pas trop grand, on l’a vu en 2007 ; et que le candidat socialiste se donne les moyens de distancier nettement la candidate du Front national, si l’on ne veut pas revivre 2002. N. Sarkozy, contesté de toutes parts, rêve d’un scénario à la 21 avril, qui lui garantirait la victoire et l’installerait dans une posture de rassemblement qui lui a jusqu’à maintenant cruellement fait défaut. Les socialistes doivent donc sauter les haies l’une après l’autre : aujourd’hui, Dominique Strauss-Kahn est le seul de nos candidats possibles qui se situe nettement au-dessus des autres dès le premier tour.
Est-il vraiment dans ces conditions de l’intérêt de la gauche tout entière de le malmener ? Outre que l’insulte, si elle est un réservoir inépuisable de bons mots, fait rarement avancer le débat public, il est étonnant de voir ainsi attaquer un homme qui se tait pour ce qu’il est. Délit de sale gueule ? Si nous voulons gagner, il est préférable d’engager le débat sur d’autres voies.
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