Le 1er mai, la manifestation a été forte. J’entends bien tous ceux qui relèvent la plus faible
participation qu’aux journées de janvier et mars. Mais quand même ! En
pleines vacances scolaires pour certains (notamment les Tourangeaux), pour tous
au début d’un de ces longs week-ends dont le mois de mai français a le
secret, rassembler ainsi des centaines
de milliers de personnes à travers le pays n’allait pas de soi. Le fait est
acquis : la colère est grande, l’inquiétude plus encore. Les plans sociaux
se multiplient, les perspectives s’assombrissent. Mais pourquoi défiler si le
Gouvernement n’entend pas les Français ? Son silence est assourdissant, et
ce ne sont pas les mesurettes annoncées pour les jeunes, dans un plan étonnant
par son manque d’originalité et d’ambition, qui va changer la donne.
Je suis préoccupée par la stratégie gouvernementale, qui
ajoute le mépris à la surdité.
Rien ne semble devoir bouger : sans doute, une prochaine journée de
manifestation sera-t-elle décidée par les organisations syndicales, dont
l’unité renforcée constitue un signe fort. Mais au-delà ? Le désespoir des
salariés ne peut que s’accentuer ; les séquestrations de dirigeants, les
violences risquent de se banaliser. Si
aucune réponse n’est apportée aux syndicats, comment s’étonner de la
radicalisation des manifestants. Cela m’inquiète, car je n’exclus pas que ce
soit le but recherché par le Gouvernement, qui pour ne pas paraître céder
préfèrera mettre en cause la légitimité de ceux qui ont trop perdu pour risquer
quoi que ce soit. J’ai eu l’occasion de le dire : je ne pense pas que la
France soit en situation pré-révolutionnaire ou insurrectionnelle ; les
comparaisons historiques oublient toujours ce que chaque période a d’inédit. En
revanche, le désespoir, l’absence de réponse politique, de perspective
politique rapide peuvent favoriser des comportements jusqu’au-boutistes. Je ne
les soutiens pas, ne les excuse pas : une parlementaire ne peut banaliser
la violation de la loi. Mais je peux les comprendre. En tout cas, le
Gouvernement ne peut à la fois condamner ces comportements, qui restent très
marginaux, et ne pas répondre aux syndicats. La violence naît du
désespoir ; elle naît aussi du manque de dialogue institutionnalisé.
Je dirais la même chose à propos de la loi sur l’hôpital. J’avoue une certaine déception, après avoir bataillé un
mois, jour et nuit dans l’hémicycle contre ce texte, dans une relative
indifférence, de voir les media s’intéresser au sujet parce que les plus grands
médecins hospitaliers de ce pays se sont résolus à dire publiquement et dans la
rue leur colère de voir brader le
service public hospitalier. Je ne reviens pas sur le fond de l’affaire, que
j’ai largement évoqué au cours des dernières semaines. Là encore, le mépris du
Parlement est complet : R. Bachelot a refusé tous nos amendements, et
instrumentalise la position de Claude Evin, président de la fédération
hospitalière de France, pour contrer les socialistes. Comme si ceux-ci étaient
tenus par quelque solidarité que ce soit à l’égard de la FHF ! La position
de Claude Evin ne le grandit pas, et en tout cas elle ne saurait nous engager.
Je suis étonnée que le droite en appelle si facilement, par ces temps de crise,
à l’union nationale, quand elle ne sait pas elle-même donner sa place au débat
démocratique. Là encore, en préférant laisser gronder la rue plutôt que
d’écouter la représentation nationale, le Gouvernement méprise la démocratie.
Mais Nicolas SARKOZY semble privilégier la stratégie de
la provocation. Comment interpréter autrement,
sinon, le retour à l’Assemblée d’un texte de loi sur le travail du dimanche. Il
est sans doute un peu facile de dire qu’avant de travailler le dimanche, il
faudrait pouvoir travailler en semaine, mais c’est malgré tout une vérité de
bon sens ! Non content de braver ouvertement toutes les oppositions qui
s’étaient soulevées contre cette inflexion de notre droit du travail, le
Gouvernement se paie en outre le luxe de se moquer ouvertement de l’Assemblée.
On peut se demander ce qu’il reste de la revalorisation
annoncée des droits du Parlement.
Il n’a pas été suffisamment relevé que Brice Hortefeux a annoncé que la
discussion du travail du dimanche se ferait à l’occasion du dépôt d’une
« proposition de loi », en juillet. Une proposition de loi, par opposition
à un projet de loi, est d’initiative parlementaire. Mais que vaut celle-ci
lorsqu’elle est manifestement instrumentalisée par le Gouvernement ? On
voit progressivement se dessiner un autre paysage, depuis la réforme de la
Constitution, celui de la soumission parlementaire : avant, les choses
étaient claires, l’initiative était principalement dans le camp du
Gouvernement ; désormais, l’initiative parlementaire est récupérée par
l’exécutif, qui somme les députés de se soumettre. Le progrès est peu flagrant,
la volonté d’humilier, si caractéristique de la méthode Sarkozy, manifeste. On
en a eu un autre exemple le 30 avril : face aux propositions de loi
socialistes, la droite a failli faire voter une motion de procédure, qui aurait
empêché leur discussion. Majoritaire, la droite peut empêcher toute expression
de l’opposition. Mais où sont, alors, les fameux droits nouveaux du
Parlement ? Entre une majorité aux ordres et une opposition sous tutelle,
la marge de manœuvre est pour le moins faible….
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