Ca y est. Après plusieurs jours d’esquive, de pas de
deux embarrassés, de déclarations défiant à la fois toute crédibilité et toute
cohérence, le gouvernement a fini par l’admettre : la retraite à 60 ans,
c’est fini. Alors que je l’interrogeais mardi dernier lors de la séance des
questions d’actualité sur les rumeurs insistantes à ce sujet, E. Woerth m’avait
répondu, peu flamboyant, que rien n’était décidé, que tout était ouvert. Dès le
lendemain matin, les masques tombaient. Curieuse stratégie, magnifique leçon de
cynisme et de double langage conjugués.
La
droite n’hésite pas, et va faire passer la loi en commission fin juillet ! Décidément, les mauvaises habitudes ne se
perdent pas facilement ! La réforme Balladur avait donné lieu à un texte
en plein mois d’aout, la loi Fillon en Juillet ! Certes, le débat en
séance interviendra tout début septembre ! Mais qui peut croire que la
manœuvre est innocente quand on sait que c’est du travail en commission que
résulte le projet débattu publiquement. Fin juillet, à l’heure où les Français
seront à la plage, alors que le Parlement ne siègera plus, les députés de la
commission des affaires sociales se retrouveront donc bien seuls pour préparer
ce débat essentiel. C’est une mauvaise manière, une de plus !
Pourquoi défendre la retraite à 60 ans ? D’emblée, la
droite a cherché à présenter les socialistes comme archaïques. En disant
d’abord que nous étions les rois du matraquage fiscal : pas de chance,
elle est au palmarès des gouvernements qui ont créé le plus de taxes, 19 depuis
2007. Et dans le programme qu’elle a transmis à Bruxelles pour les deux
prochaines années, elle annonce 2 points d’augmentation des prélèvements
obligatoires. Elle a donc en partie changé de pied, expliquant que la gauche
avait la nostalgie du mitterrandisme pour ainsi défendre la retraite à 60 ans.
Je l’ai déjà écrit, je veux le redire tant vos réactions à ce propos sont
nombreuses : la retraite à 60 ans, ce n’est ni une idéologie ni une
nostalgie mais la prise en compte d’une réalité sociale : il y a en France
des hommes et des femmes qui commencent à travailler jeunes et qu’il s’agit de
protéger.
La retraite à 60 ans, un droit, pas une obligation. Je veux dire ma
conviction qu’il est impossible d’ignorer l’allongement de la durée de la vie
mais aussi l’évolution des aspirations individuelles. Il y a des Français qui
veulent travailler plus longtemps : je l’affirme, il faut aller en ce sens
et encourager tous ceux qui le peuvent à travailler plus longtemps. Mais est-il
anormal que quelqu’un qui a commencé à 18 ans, qui à 60 ans a déjà cotisé bien
plus qu’il ne faut pour avoir une retraite pleine, sans un centime de plus pour
autant, est-il donc anormal que cette personne soit assurée de pouvoir partir à
60 ans ? Non, mille fois non. Beaucoup de salariés sont-ils dans cette
situation, me demande-t-on ? Oui, assez nombreux en tout cas pour qu’on ne
balaie pas d’un revers de la main cette situation sociale. Il y a actuellement
environ 300 000 personnes par an (250 000 dans le privé, 50 000
dans le public) qui partent à la retraite à 60 ans en ayant cotisé pendant 42
ans. Cela signifie qu’elles ont commencé à travailler à 18 ans.
Supprimer la retraite à 60 ans, c’est faire assumer la
réforme par les plus modestes. De fait, combien de cadres supérieurs se
trouvent à 60 ans en situation de disposer d’une retraite pleine ? Pour
ainsi dire zéro, puisqu’ils ont fait des études et sont entrés dans l’emploi
(bien) après 20 ans. Pour eux, faire passer le droit de partir de 60 à 63 ans
ne change rien, strictement rien. En revanche, ceux qui ont commencé à 18 ans
vont devoir travailler 3 ans de plus sans que ça leur rapporte, là encore, un
centime de plus.
Supprimer la retraite à 60 ans ne donnera pas de
travail aux chômeurs de plus de 55 ans. Alors, on en fait quoi, de ces seniors sans
emploi ? On les laisse au chômage 3 ans de plus ? Ce n’est pas
sérieux, et le bon sens s’impose : aucune politique des retraites ne peut
fonctionner sans changement sur ce point. Le PS a fait des propositions
précises en la matière.
Le PS prend en compte la nécessité de travailler plus
longtemps :
la durée de cotisation est une variable plus juste que la référence à un âge
couperet. Nous avons dit que l’allongement prévu de 40 à 41, 5 annuités prévu
d’ici 2020 ne pouvait être évité, et qu’il faudrait sans doute aller au-delà
par la suite. Cela signifie que c’est une charge pour les salariés. Il serait
absurde d’imaginer qu’une réforme du système des retraites pourrait être
indolore pour les salariés ! Le tout est qu’ils ne soient pas les seuls à
le porter, ce fardeau de la réforme, comme a l’air de le prévoir le
gouvernement. Défendre la retraite à 60 ans, ce n’est pas une lubie passéiste,
c’est une volonté de ne pas faire assumer la réforme par les plus modestes.
C’est un principe à conjuguer avec, pour les autres, la nécessité de travailler
plus longtemps.
Burqa. Beaucoup de réactions, aussi, à la suite de
mon passage à l’émission de Paul Amar, Revu et Corrigé. Je me suis retrouvée un temps assise à côté
d’une femme entièrement voilée et le journaliste a cru bon pouvoir affirmer que
je défendais le droit d’être voilée. Ce n’est ni mon sentiment ni ma
position : je l’ai dit, y compris à cette femme, le voile intégral est une
régression manifeste, un signe d’effacement social insupportable en particulier
pour des femmes. On ne peut se battre pour les droits des femmes et se
satisfaire de cette situation. La question n’est donc pas de savoir si le voile
est acceptable mais de définir la manière la plus efficace de convaincre des
femmes de ne pas le porter. Je le répète : je ne crois pas qu’une loi
d’interdiction totale soit la bonne solution. S’il voulait être efficace,
pourquoi le gouvernement ne s’en tiendrait-il pas aux principes énoncés par le
Conseil d’Etat ? Il faut interdire le port du voile intégral dans les
services publics, dans les lieux sensibles. Car pour le reste, qui fera
appliquer une loi qui concernera moins de 2000 personnes ? Ne pas la faire
appliquer – en dehors de coups d’éclat spectaculaires dont le gouvernement est
friand – c’est la condamner. S’il voulait être efficace, pourquoi le
gouvernement supprimerait-il les subventions aux associations qui font de la
médiation sociale dans les quartiers, pour aider notamment les femmes à mieux s’intégrer ?
Je dis, je répète que les intentions de la droite, en la matière, sont moins de
lutter contre le port du voile intégral que de poursuivre le travail de
division, de stigmatisation entamé avec le lancement du débat sur l’identité
nationale.
Quant à la dignité de la femme, parlons-en. Ces hommes qui
viennent m’expliquer que le voile est contraire à la dignité de la femme ont
raison. Mais ils ne trouvent pas indignes qu’elles soient payées 25% de moins
qu’eux pour le même travail. Alors la dignité des femmes, oui, mais pas par
petits bouts !
Rimbaud. Je lis qu’une exposition sur Rimbaud va se
tenir, je ne sais plus où et de toute façon je n’aurai pas le temps d’aller la
voir. Mais me revient ce sentiment étrange qui ne me quitte pas depuis qu’on a
publié la photo de Rimbaud à 30 ans, déjà usé par une vie comme chaque jour
jouée à la roulette russe. La poésie de Rimbaud ne figure pas parmi les œuvres
qui s’entassent sur ma table de chevet, et dont je relis, parfois, quelques
pages. Mais elle est d’une force impossible à ignorer et sa photo d’adolescent
fiévreux est si célèbre qu’on la croit familière. Oui, j’ai été saisie d’un
trouble étrange à découvrir cette figure vieillie que rien, me semblait-il, ne
rattachait au jeune homme magnifique et maudit. J’ai été fascinée, aussi, de la
controverse née dans la presse : mais oui, c’est lui, mais non, c’est un
autre. Ils sont peu nombreux, les poètes, à pouvoir susciter de telles passions
posthumes ! Au fond, qu’importe ? Il reste l’œuvre et, pour moi, la
photo magique d’un jeune poète trop tôt disparu.
Depuis quelques jours, le gouvernement laisse filtrer des éléments sur sa réforme des retraites : c'est clair, le débat s'engage projet contre projet. Les Français accueillent très favorablement les propositions socialistes ! C'est ce qu'indique un sondage paru ce jour dans Les Echos.
Cliquez ici pour lire l'article paru dans Les Echos.
Marisol Touraine sera l'invitée, jeudi 27 mai à 19h30, de l'émission "Pile et Face" sur La Chaine Parlementaire.
Elle débattra de la réforme des retraites avec Dominique Paillé, porte-parole de l'UMP.
Cliquez ici pour voir le site de l'émission.
Marisol Touraine a interpellé, mardi 25 mai, M. Eric Woerth, ministre du Travail, de la Solidarité et de la Fonction publique, au sujet des retraites, lors de la séance de questions d'actualité au Gouvernement.
Cliquez ici pour lire l'intégralité de son intervention et la réponse du ministre et ici pour voir la vidéo de son intervention. (Real Player nécessaire)
Marisol Touraine sera l'invitée, mardi 25 mai, du journal de 13h de France Inter.
Cliquez ici pour voir le site du journal.
On se
croirait en été, et
ces quelques heures vécues au ralenti font du bien. Ce n’est qu’un répit, le
dossier des retraites va occuper le devant de la scène tout au long des
prochaines semaines, jusqu’au débat parlementaire prévu dès les premiers jours
de septembre. Vos réactions ont été très nombreuses, et s’en dégage un point
fort : la satisfaction de voir le Parti socialiste proposer, argumenter de
manière à la fois précise et offensive. Je fais partie de ceux qui ont, il y a
déjà plusieurs semaines, plaidé pour la présentation rapide de notre
contre-projet, avant même que le gouvernement ne dévoile ses intentions. Je
crois que c’était la bonne stratégie et je me réjouis que nous l’ayons
finalement adoptée : les socialistes ne se contentent pas de s’opposer,
ils proposent ; c’est autour de notre projet que se construit le débat
public.
Le
gouvernement ne sait plus sur quel pied danser, entre vraies fuites
et fausses rumeurs. Lorsqu’il annoncera
que, la retraite à 60 ans, c’est fini, l’effet de surprise sera nul ! Le
sujet, désormais, n’est pas de savoir si la droite va durcir les conditions de
départ en retraite pour les plus modestes, mais ce qu’elle va proposer
« en plus ». Sans tomber dans un débat technique, inutilement obscur,
je voudrais insister sur deux points : d’abord, même s’il repousse l’âge
légal de départ de 60 à 63 ans et s’il fait passer la durée de cotisations
nécessaire de 40,5 annuités aujourd’hui à 43,5 , le gouvernement n’aura
trouvé que la moitié des financements nécessaires. Pour boucler une réforme des
retraites crédible, il lui faut donc trouver d’autres financements : cela
s’appelle des prélèvements, des cotisations ou des impôts. D’où ma deuxième
remarque : la droite nous accuse de prévoir des prélèvements sur les
revenus du capital et de mettre en place une « bombe
fiscale » : elle est bien mal placée pour donner des leçons, elle qui
a créé près de 20 taxes et impôts nouveaux depuis 2007, qu’il s’agisse des
franchises médicales, de la taxe sur les ordinateurs ou de l’impôt sur les
assurances vie. La question n’est pas de savoir si de nouveaux impôts sont
nécessaires, la réponse est oui et plusieurs voix à droite se sont déjà élevées
pour le dire ; la question est de décider qui doit payer ces nouveaux
impôts. Pour les socialistes, ce sont d’abord les détenteurs de capitaux et les
grandes entreprises ; pour la droite, la priorité est toujours la même,
taxer les catégories populaires et les classes moyennes.
Je
reviens d’un mot sur notre projet de « retraite choisie ». Je l‘ai dit, il
s’agit d’un côté de protéger les Français qui ont commencé à travailler jeunes,
qui ont eu des métiers pénibles, et de l’autre d’encourager à travailler plus
longtemps. L’objectif, c’est bien de faire reculer l’âge moyen de départ en
retraite, aujourd’hui de 61,6 ans. Pour faire reculer cet âge, nous voulons
jouer la carte de l’incitation : je réponds à un commentaire, je ne compte
pas seulement sur le civisme des Français, le projet du PS s’appuie sur des
mécanismes incitatifs (de type « surcote »). Je crois aussi – et je
réponds à un autre commentaire - que l’on pourra travailler plus longtemps si
l’on prend en compte une partie des études : nous proposons que les
salariés puissent valider jusqu’à trois années d’études, en payant une
cotisation quand ils commencent à travailler, étalée sur 15 ans par exemple
pour que ce ne soit pas trop lourd. La
réforme des retraites ne peut pas être une simple réforme comptable :
c’est l’occasion de prendre en considération les évolutions de la société.
Cannes
et le socialisme.
Le palmarès du festival de Cannes est tombé, je ne suis pas en mesure de
l’apprécier. Je remarque la vigueur du cinéma français, ce qui est valorisant,
j’avoue bien aimer Juliette Binoche, et son prix me fait plutôt plaisir même si
son film, Copie conforme, de
l’iranien A. Kiarostami, m’a paru très verbeux entre des débats à n’en plus
finir sur le lien entre une œuvre d’art et sa copie et les échanges très
distanciés d’un couple qui part à vau l’eau. Toujours est-il que j’ai
finalement renoncé à aller voir Socialisme,
de Godard. J’avoue ne pas être une « fan » de ce cinéaste, même s’il
a sans aucun doute possible révolutionné le cinéma. Il y a un avant et un après
Godard, A bout de souffle, Pierrot le fou ou le Mépris ont inventé une manière de montrer, de faire parler,
d’abolir les frontières entre peinture, écriture, image. Mais ces films ne me
touchent pas, je les trouve froids, distanciés. Le titre choc du film, Socialisme, ne pouvait me laisser
indifférente. Godard y filme, paraît-il, la mer de manière éblouissante. Et il
s’est expliqué : la mer, c’est le socialisme. Intrigant…On me dit
néanmoins que ce film est plus Godard que Godard, j’ai donc flanché et ne suis
pas allée le voir. J’attends toujours de savoir pourquoi la mer, c’est le
socialisme…
Marisol Touraine a été interviewée par O. Pouvreau de La Nouvelle République au sujet des retraites et de l'intervention de Dominique Strauss-Kahn sur France 2.
Cliquez ici pour lire l'article paru ce jour.
Marisol Touraine a passé en revue, pour La Voix du Nord du samedi 22 mai, les temps forts de l'actualité de cette semaine : propositions du PS sur les retraites, loi sur la burqa, crise en Grèce et crise de l'euro...
Cliquez ici pour lire l'article.
Quelques phrases seulement sur le sujet qui
occupe les commentateurs depuis ce matin : Dominique Strauss-Kahn a-t-il
voulu tacler le projet du PS sur les retraites, hier, sur France 2, en
affirmant que la retraite à 60 ans ne devait pas être un dogme ? Je ne le
crois pas. Les formulations retenues par Martine Aubry et DSK sont différentes,
leur tonalité se distingue. Mais sur le fond, le projet du PS est-il
dogmatique ? Pas le moins du monde, puisqu’il insiste sur la retraite
choisie, rappelle la nécessité de garantir le droit de partir à 60 ans
notamment pour ceux qui ont eu des carrières difficiles, tout en proposant
d’inciter les Français qui le peuvent, qui le souhaitent, à partir plus tard, à
travailler plus longtemps. Cela, Dominique Strauss-Kahn le sait, et il a
lui-même insisté sur la nécessaire prise
en compte de la pénibilité.
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