La réforme des retraites est votée, la mobilisation devrait progressivement retomber. Ce n’est pour autant pas une victoire pour N. Sarkozy, tant le pays semble à bout de souffle, comme écrasé par la violence sociale de la politique menée. Le mépris du gouvernement, permanent, tant à l’égard de l’opposition que des manifestants, laissera des traces. Nous sommes à un tournant du quinquennat, mais l’énergie réformatrice sur laquelle N. Sarkozy comptait pour assurer sa réélection s’est transformée en force auto-destructrice. La France regarde, incrédule, le pouvoir tourner sur lui-même, sans cap ni boussole, changeant de discours comme on change de semaine. Le remaniement annoncé est sans cesse reporté, la fin promise des réformes (souvenez vous, en juillet le Président parlait de délégiférer !) laisse place à de nouvelles annonces, d’autant plus inquiétantes qu’elles sont erratiques et impulsives. La France va mal, et seule lui répond une agitation présidentielle malvenue.
Il faut s’arrêter un temps sur la crise sociale que nous traversons. Il est absurde, comme le fait la droite, de la mettre au compte d’un conservatisme anti-réformateur. La quasi totalité des Français (89%), selon les études d’opinion, restent convaincus qu’une réforme des retraites est nécessaire. Les partisans d’une radicalisation du mouvement social n’ont pas été suivis. La faute de N. Sarkozy aura été de ne pas prendre appui sur cette conviction, cette volonté de répondre aux défis démographiques aggravés par la crise, et d’en rester à un projet pétri d’injustices. Alors que la droite se rêve réformatrice et respectueuse de la négociation sociale, elle doit se reconnaître brutale et fermée au dialogue.
Je suis convaincue cependant que cette crise exprime avant tout la violence vécue dans le monde du travail. Depuis le premier jour, j’ai dit que la question des retraites ne pouvait s’analyser comme un problème comptable mais renvoyait à la nature des relations sociales au travail et à la brisure du lien qui unit un nombre croissant de Français au travail. Alors que la droite croyait pouvoir jongler avec des chiffres, elle a assisté à la montée de deux thèmes pour elle inattendus dans le débat public : la prise en compte de la pénibilité et les inégalités hommes-femmes. Deux sujets qui parlent de la souffrance, de la violence des inégalités, de la précarité. Le vote de la loi n’apaisera pas cette revendication. Le candidat N. Sarkozy l’avait entendue, qui parlait de mieux reconnaître la valeur travail. La manipulation a fait long feu : la droite reste hermétique à la réalité concrète du travail. La gauche doit apporter des réponses fortes à ces attentes qui, à n’en point douter, seront au cœur de la campagne de 2012.
Car la présidentielle est d’ores et déjà en ligne de mire. La loi sur les retraites votée, le recours devient exclusivement politique, et s’ouvre donc une séquence nouvelle. J’ai ainsi pu dire que le vote intervenu ne marquait pas, pour les socialistes, un point d’arrivée mais un nouveau départ. On ne voit pas aujourd’hui ce qui permettrait à N. Sarkozy de rebondir : il peut bien changer de gouvernement, et même de Premier ministre, l’important est la ligne politique suivie. Or celle-ci est faite d’embardées irrationnelles, comme si la succession de coups de barre en sens inverse permettait de satisfaire les clientèles. Car la vérité est celle-là : l’ouverture à gauche, les clins d’œil à l’extrême-droite ne sont en rien des convictions assumées, elles s’affichent comme des paris cyniques pour conquérir autant d’électorats disparates. Mais cela ne fournit pas une cohérence….Les socialistes ont donc une chance inespérée. A condition de ne pas enfourcher les mirages d’une radicalité dont les Français ne veulent pas pour la savoir inefficace. Et de poursuivre sur la voie de la cohérence et de la responsabilité qu’ils ont retrouvées voilà quelques mois.
P.S. La Toussaint est pour nous synonyme de célébration des morts. Moment particulier où se mêlent l’intime et le collectif, l’exacerbation des souvenirs personnels et le recueillement partagé. J’ai longtemps pensé que le souvenir et le respect des disparus n’avait pas besoin de célébration. J’ai changé. Quoi qu’on dise, la mort des proches reste insupportable. On apprend à vivre avec, on apprivoise le manque, on ne s’y accoutume pas. Expérience étonnante, à la fois commune et impartageable. C’est cela, au fond, qu’exprime la journée du souvenir.
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