La rumeur n’en serait plus une, la décision serait déjà prise : MAM devrait être limogée du gouvernement dans les prochaines heures. On avance déjà le nom de son successeur, le jeu des chaises musicales est enclenché. Je ne veux pas m’avancer ici à commenter une décision qui peut-être sera remise. La seule réaction qui vienne à l’esprit est : enfin ! On a que trop attendu ! Peut-être de nouvelles révélations sont-elles redoutées : la droite vit avec angoisse la sortie hebdomadaire du Canard enchaîné. Triste République.
Car il ne s’agit pas de prétendre que les relations d’Etat à Etat sont impossibles et doivent être bannies avec les régimes qui ne sont pas des démocraties. La diplomatie doit prendre en compte la réalité du monde, et il serait absurde de n’avoir de relations qu’avec ceux qui partagent ou respectent les mêmes valeurs que nous. Ainsi, la question n’est pas de savoir si la France devait avoir des relations avec la Tunisie ou l’Egypte, mais si les cadeaux particuliers accordés par leurs chefs d’Etat à nos gouvernants n’ont pas empêché ces derniers de comprendre la force des mouvements populaires qui y sont intervenus. MAM a le droit, comme tout Français, de passer ses vacances en Tunisie ; qu’elle le fasse comme ministre des affaires étrangères au moment où le peuple tunisien se soulève contre Ben Ali est évidemment une faute ; lorsque l’on apprend que des intérêts financiers lient la famille de Michèle Alliot-Marie au clan Ben Ali, on se dit que la faute s’explique et vient du mélange entre intérêts privés et publics. De même, F. Fillon peut aller en Egypte, mais comment ne pas imaginer que les largesses du régime à son égard ne l’aient pas conduit à une certaine indulgence – ou cécité – à son égard ?
La diplomatie est l’art de faire avancer les intérêts et les valeurs de la France dans un environnement qui ne leur sont pas nécessairement favorables. Couper les ponts avec la Chine au nom des droits de l’homme est absurde, passer sous silence les droits de l’homme en Chine au nom des contrats à négocier est à la fois dégradant et inutile. Car depuis que N. Sarkozy a troqué ses promesses de défense des droits de l’homme contre une diplomatie marchande, le résultat est affligeant : notre voix ne porte plus les valeurs de la démocratie sans que les contrats soient conclus. La France a perdu sur toute la ligne. La réception en grande pompe de M. Kadhafi en 2007 en est la sinistre illustration. Entretenir des relations d’Etat à Etat avec des régimes autoritaires ou dictatoriaux ne doit pas empêcher de faire avancer la démocratie lorsque l’occasion s’en présente et de soutenir ceux qui sont prêts à engager jusqu’à leur vie pour elle.
La vérité est celle d’un affaiblissement de la France sur la scène internationale que les événements de ces derniers mois dans les pays arabes ont projeté en pleine lumière. Complaisante à l’égard de régimes dictatoriaux au nom de la lutte contre l’islamisme, la France n’a pas compris la portée du mal-être social qui a fini par emporter les gouvernements amis et a laissé passer l’occasion d’être à la pointe du combat démocratique. En faisant de la politique internationale un instrument de politique intérieure, N. Sarkozy ne se contente pas de brouiller les lignes, il précipite la perte d’influence de notre pays comme dans l’affaire F. Cassez dans laquelle il a réussi tout à la fois à nous brouiller diplomatiquement avec le Mexique sans faire avancer d’un millimètre la situation de notre ressortissante emprisonnée. Alors que la France est l’un des principaux adversaires de l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne, N. Sarkozy, au lieu, de s’expliquer, de rassurer ses interlocuteurs, se contente d’une visite éclair perçue comme une humiliation. Mieux valait, dans ces conditions, ne pas se déplacer. En Côte d’Ivoire, la France a tenu des propos qui se voulaient menaçants et définitifs, sans aucun résultat : notre parole n’a donc plus de sens ni de poids. L’agitation ne fait pas une politique, on peine aujourd’hui à définir la manière dont la France appréhende le monde tant la diplomatie a cédé la place à une succession de coups. Formé par N. Sarkozy, notre ambassadeur en Tunisie a non seulement déshonoré sa fonction mais dégradé davantage encore l’image de notre pays. La méthode Sarkozy, faite de coups d’éclat et de coups de menton trouve désormais ses limites à l’étranger comme chez nous. Et ce n’est pas en relançant un énième débat sur l’islam que la France va restaurer ses positions dans le monde arabe.
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