Avec un peu de retard, je reviens sur la prestation de N. Sarkozy, sur TF1, jeudi dernier. Je l’ai regardée de bout en bout, considérant que cela faisait partie de mon obligation de parlementaire. Mais quel ennui ! Au moment où la grande histoire s’écrivait sur la place Tahrir du Caire, au moment où les peuples arabes font souffler le vent de la liberté dans leurs pays corsetés par des décennies de pouvoir autoritaire, le président français a choisi d’en rester à ses petits calculs politiciens. Sans un regard pour les mouvements populaires qui secouent le monde arabe, il a choisi de parler aux Français, plutôt que de les écouter. On ne peut évidemment reprocher à N. Sarkozy d’avoir maintenu son émission, alors que la pression s’intensifiait au Caire. Mais la coïncidence était cruelle, elle exigeait du président une hauteur de vue, une perspective qui lui a singulièrement fait défaut.
Sur la forme, d’abord, le format retenu pour l’adresse télévisuelle du président ne passe pas. Cela a été souligné, ces Paroles de Français se sont transformées en une succession éprouvante de monologues présidentiels, N. Sarkozy renouant avec l’usage des petites fiches de son prédécesseur. A chaque sujet, son exposé technique, long et sans souffle, à côté souvent des préoccupations concrètes de ses interlocuteurs. Les Français présents sur le plateau, censés nous représenter dans notre diversité, étaient tétanisés par l’exercice, incapables de renvoyer N. Sarkozy à ses promesses passées, ses erreurs, ses revirements. Mais l’exercice, pour eux, était impossible ! Pour le journaliste, en revanche, il était déshonorant, tant son rôle, à l’évidence, était de mettre en valeur un président en perte de popularité.
Sur le fond, l’objectif était clair : il s’agissait de reconquérir un électorat perdu, et cela explique l’indifférence aux bruits du monde. A cette aune là, l’exercice fut-il réussi ? j’en doute. Tel un disque rayé, N. Sarkozy nous a resservi ses vieilles recettes, sur la sécurité, l’emploi, l’éducation, peinant à comprendre les remous de la société française (dans la justice, notamment, le monde agricole…), engoncé dans des certitudes électorales qu’il devrait interroger. Car les Français ne sont pas dupes : la répétition, si elle est la première arme de la pédagogie, trouve vite ses limites lorsqu’elle ne s’accompagne pas de résultats. Quant aux propositions, elles furent singulièrement absentes : sur la dépendance, chantier soi-disant phare de la fin du quinquennat, le président se sera contenté de ne pas exclure de mettre les assurances privées au cœur de son dispositif. Voilà de quoi, rassurer, assurément ! Ce président n’a de protecteur que le slogan électoral qu’il peaufine pour 2012, il n’a de réformateur que le titre dont il s’auto-gratifie. Bref, ce jeudi soir fut un jeudi noir, sans surprise et sans élan.
La gauche plus que jamais a un devoir de rassemblement, de proposition, de victoire. Je reste très prudente sur 2012 car, mauvais président, N. Sarkozy sait être un excellent candidat. La semaine a été marquée par l’agitation provoquée par la petite phrase d’Anne Sinclair, dans le Point : elle ne souhaite pas que Dominique Strauss-Kahn fasse un deuxième mandat au FMI. La parole est trop ciselée pour être anodine, il est peu probable que son mari n’en ait pas été informé. L’ampleur des réactions avait de quoi surprendre : ce n’était, après tout, que le souhait d’une femme connue pour ne pas être la simple porte-parole de son dirigeant de mari. On peut s’amuser ou s’agacer, s’étonner ou regretter, le fait est là : il y a une attente forte à l’égard de DSK. Les socialistes seraient bien inspirés de ne pas affaiblir à l’avance celui qui est aujourd’hui leur meilleure chance de victoire en 2012.
P.S. J’ai profité de ce dimanche après-midi pour aller voir le film de Tom Hooper, Le discours d’un roi. Entouré d’une rumeur flatteuse, promis aux plus hautes récompenses hollywoodiennes, le film est de fait réussi. Il vaut surtout par la performance admirable de tous ses acteurs, et plus particulièrement de Colin Firth et Derek Jacobi. Mais au-delà, ce qui touche, c’est la rencontre de mondes destinés à rester étanches : le monarque a eu besoin d’un roturier pour être pleinement roi. A méditer.
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